Si vous vous demandez ce que je fais pendant les vacances et si vous avez le courage de tout lire :


C'est papa qui conduit mais c'est maman qui a dit qu'on devait aller faire les courses. Moi j'aime pas trop ça faire les courses, sauf avant Noël quand je dois aller choisir mes cadeaux. Sinon j'aime pas ça faire les courses, mais maman dit que je suis encore un peu jeune pour rester tout seul à la maison, alors je vais avec eux. C'est nul.
Je me suis assis derrière, papa a bien attaché Julie, ma petite sœur, on a attendu Marie, ma grande sœur et on est parti. Sur la route papa conduit toujours bizarrement. Parfois il crie sur les autres, parfois il crie sur maman, parfois il crie sur le volant. Je ne suis pas sûr que ce soit bien utile pour conduire. On est arrivé, enfin on est arrivé sur le parking, il fallait encore pouvoir se garer. Papa ne veut pas trop marcher, il cherche toujours à se garer à coté de l'entrée. Alors on tourne beaucoup, même si je lui dit qu'il y a plein de place au fond. Finalement il y en a une qui s'est libérée, puis après que papa ait beaucoup discuté avec un autre monsieur qui avait vu la même place, on s'est garé ailleurs. Quand tout le monde est sorti, on a bien vu qu'il y avait de la place au fond du parking.
Dans Auchan Marie a dit qu'elle allait voir les disques, et papa s'est rappelé d'un truc qu'il avait absolument besoin pour la voiture. Alors on est resté tous les trois, maman Julie et moi pour acheter à manger. Maman conduisait le chariot, Julie était dans le siège pour petit et moi je marchais à côté. C'est un peu ennuyeux, ça dépend du rayon dans lequel on se trouve.
On a commencé par les trucs au lait puis on s'est avancé doucement vers les eaux qui sont au fond en prenant en chemin tout ce dont on a besoin.
C'est rarement les meilleurs choses qu'on met dans les chariots, on laisse souvent ce qu'il y a de plus intéressant. La nouvelle boisson que j'ai vu à la télévision est trop sucré dit maman, à la place on a pris un bête jus avec un nom même pas connu. Comment est-ce que je pourrais connaître la saveur intense du fruit ? Pareil pour les gâteaux. Je n'aurais jamais le goût chocolat fondant mélangé au moelleux intense. Et tant pis pour les céréales avec des les vrais cartes Yugi-Hô, c'est non. Bref, on a tout raté…
Ça nous a pris du temps pour retrouver papa. Il était devant le rayon des télévisions et regardait vingt-trois fois la même émission sur vingt-trois écrans différents. J'ai bien vu que maman a fait la tête, d'autant qu'elle avait poussé le chariot, avec les courses et Julie, depuis le début. Tout ça devait sans doute faire pas mal lourd. Ce qui a pu la fâcher aussi, c'est de voir que papa avait les mains dans les poches. On dirait qu'il n'a pas tant besoin de trucs pour la voiture finalement. Maman s'est quand même retenu. Elle se retient toujours, elle a gardé sa colère et a juste dit qu'il fallait y aller. Seulement il manquait encore Marie.
-" Je sais où elle est." J'ai dit. " Je peux aller la chercher si tu veux."
-" Tu es sûr, tu ne vas pas te perdre ?"
-" T'inquiète, je ferai vite."
-" D'accord, tu nous rejoindras aux caisses."
En fait je n'avais pas vraiment envie d'aller chercher Marie. C'était surtout pour faire plaisir à Maman, elle avait l'air fatiguée.
J'ai pas mis très longtemps à la retrouver. Je sais qu'elle reste toujours à côté des disques, à les écouter les uns après les autres. Quand je suis arrivé là-bas j'ai vu Marie qui parlait avec trois types. Ces gars là ils avaient pas l'air bien méchant, mais c'est plutôt eux qui parlaient, Marie elles faisaient que répondre de temps en temps. Quand elle m'a vu, je me suis bien douté qu'elle était assez soulagée de me voir. Ils m'ont alors regardé à leur tour.
-"C'est qui, ton petit frère ?" A dit un grand.
-"Tu nous présente pas ?" A dit un autre grand aussi.
-"Bein si vous voulez. Julien je te présente X X et X."
-" T'en as de la chance d'avoir une sœur pareille…"
-" Ouais, on peut dire qu'elle est charmante, une vraie princesse."
Marie a rougit, enfin un peu. Je lui ai fait comprendre qu'on devait y aller. Alors elle a regardé les trois puis leur a gentiment dit au revoir.
-" Bon et bien, à plus tard puisque tes parents ont l'air de tenir à toi. Tu crois que je peux demander ton numéro." A dit X.
-"Non c'est pas la peine, vous êtes sympa mais, euh…, c'est pas la peine."
-" Tant pis, j'aurai essayé", et là il a fait un genre de sourire désolé.
-" C'est ça, tant pis. Allez salut!" Puis elle m'a pris la main, c'est assez rare, et on y est allé.
Quand on s'est éloigné des garçons j'ai demandé à Marie s'ils l'avait embêté ou si elle avait eu peur. Elle m'a répondu en riant doucement, comme un peu de travers :
-" Non, t'inquiète pas p'tite tête. Je ne risque rien."
-"M'appelle pas petite tête, j'aime pas ça. Mais s'il t'avait embêté j'aurais été là pour te défendre."
-"Bah tu sais Julien, les autres c'est pas forcément tes ennemis. Il y a aussi des gens sympas.
-"Mouais, si tu le dis."
-"Tu diras rien aux parents hein ?"
-" Bein non, t'en fais pas…"
-"Je suppose que maman a encore fait les rayons sans papa."
-Ouais, comme d'habitude."
-"Parfois papa il m'écoeure. Parce-qu'il sait faire le plein de la voiture et percer des trous dans le mur, il se croit dispensé de tout le reste."
-"T'exagères pas un peu ?"
-" Non, pas du tout."
-"Mais de toute façon c'est comme ça, on a rien à dire. Et puis papa et maman ils s'aiment quand même."
-"Ou maman n'ose pas aller voir ailleurs. Et puis il y a nous aussi. C'est pas évident de tout envoyer balader comme ça, juste parce qu'on en a plus envie."
-"Oh la la, tu as l'air bien sûr de toi on dirait. Si maman voulait s'en aller, déjà elle se disputerait plus souvent avec papa. C'est comme ça que les parents de mon copain Alexandre ils ont fait avant de se séparer."
-"Oui mais y a un truc que tu sais, c'est que papa et maman ils ont déjà été séparés."
-"Quoi !"
-"T'étais trop jeune, tu te rappelles plus. Moi j'avais que six ans, mais je me souviens bien. A cette époque maman voyait sans doute quelqu'un, j'en suis pas sûr hein, c'est simplement parce que je l'ai jamais vu aussi belle ni aussi heureuse depuis. Je crois que ça allait vraiment pas fort avec papa, même qu'une fois je l'ai vu taper maman."
-"C'est pas vrai, comment tu peux t'en rappeler d'abord ?"
-" C'est comme ça, je m'en rappelle, c'est tout. Tu sais, c'est pas parce-qu'on a que six ans qu'on ne peux pas voir ni remarquer des choses un peu bizarre. En tout cas, un jour, maman toi et moi on est allé vivre chez mamie et papy, dans la maison qu'ils avaient avant que papy ne meure. On était parti un soir après que papa et maman se soient disputés très fort.. Papa devait avoir bu et maman pleurait beaucoup."
-"Putain, tu te rappelles tous les détails ou quoi ?"
-" C'est mamie qui m'a raconté ça, un jour ou je lui avais raconté ce dont je me souvenais. On est resté là-bas pendant environ un mois. Puis un jour maman a été très triste, son ama, euh, son amoureux était parti. Il s'était sans doute dégonflé devant une mêre de deux enfants. Un peu après, papa est revenu, il avait l'air très fier. Ils ont parlé, seuls tous les deux, puis avec les grands parents, et on est rentré chez nous."
-" Comme ça, sans rien dire…"
-"Oui, et puis au bout de quelques années Julie est né. C'est tout."
-"Mais alors papa a été super sympa alors ?"
-" On peut voir les choses comme ça. Seulement faut pas oublier qu'il a tapé sur maman, il a aussi profité de sa tristesse après le départ de l'homme qu'elle aimait…qu'elle aimait très fort."
-"Oui enfin il ne tape plus sur maman. C'est déjà ça."
-"Oh, tu sais il fait pire."
-"Comment ?"
-"Une fois je l'ai surpris en train de dire à maman : N'oublies pas que c'est moi qui suis venu te ramasser quand on a plus voulu de toi."
-"C'est moche."
-"C'est très moche."
On a arrêté de parler. Elle m'a lâché la main et on est arrivé aux caisses. J'ai aidé à mettre les courses dans les sacs puis à mettre les sacs dans le chariot. On est sorti du magasin, on a rejoint la voiture et rangé tout dans le coffre. J'ai été remettre le chariot à sa place mais j'ai pas joué à viser la file de rangement, quand je me place bien et que je lance de loin en faisant en sorte qu'il s'encastre parfaitement dans les autres. J'ai pris la pièce d'un euro de papa. Là, je sais pas pourquoi, j'ai donné la pièce à un clochard qui faisait la manche. Il m'a dit merci, mais j'ai pas répondu et je me suis dirigé vers la voiture.
J'ai essayé de voir le visage de papa en inventant une excuse comme quoi j'avais perdu la pièce dans un égout. Puis j'ai regardé maman, toujours de loin. Elle ne semblait ni trop triste ni très gai. En fait on aurait dit qu'elle était juste fatigué.
Je suis monté dans la voiture.
J'aime pas trop l'idée de devoir grandir.